« IL FAUT VITE RATTRAPER NOTRE RETARD DE COMPÉTITIVITÉ »
Dans les campagnes bas-normandes, la possibilité donnée par Agrial à ses adhérents de céder leurs parts sociales liées au lait fait du bruit. Objectif : ne pas freiner le développement des exploitations laitières.
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Depuis septembre, un producteur Agrial peut céder son capital social à un autre producteur. Agrial encourage-t-il la restructuration laitière ?
Pascal Lebrun : Agrial ne veut pas freiner les producteurs qui souhaitent se développer, moderniser leur outil ou mieux s'organiser par l'embauche d'un salarié. Ils doivent pouvoir rivaliser avec leurs voisins nord-européens. Or, actuellement, leur droit de commercialisation peut seulement évoluer de 3 % par an jusqu'en 2020. La coopérative ne dispose pas des capacités industrielles suffisantes pour des volumes plus importants, ce qui engendre une frustration chez ceux qui souhaitent se développer plus rapidement. Agrial a donc décidé d'autoriser la mutation des parts sociales liées au lait, directement d'un adhérent d'Agrial vers un autre Agrial. Dans cette situation, ce n'est donc plus Agrial qui rembourse les parts sociales, mais le repreneur qui les rachète.
Ce transfert direct des parts sociales « lait » est-il conditionné à des règles ?
P. L. : Bien sûr. Entre autres règles, il est autorisé à l'intérieur de nos quatre bassins ou d'un bassin à un autre. Dans ce cas, le cédant doit être à 30 km au maximum du repreneur.
Un producteur Agrial peut-il vendre à un non-Agrial ?
P. L. : Non. De même qu'un Agrial ne peut pas reprendre le lait d'un non-Agrial, assimilé à du développement. Cela devrait être possible en 2018. Cependant, tout n'est pas encore tranché. Ainsi, des adhérents d'Agrial non apporteurs de lait frappent à la porte, prêts à céder leur contrat laitier privé. Faut-il les accueillir ? C'est en débat, tout comme la mutation d'une partie des parts sociales « lait ».
Agrial ne donne-t-elle pas indirectement son aval aux contrats marchands ?
P. L. : Selon moi, cette marchandisation sera de courte durée, à savoir jusqu'en 2018. Le projet industriel est prévu pour démarrer cette année-là, avec des volumes de développement à la clé, conditionnés à un projet cohérent. D'ici là, les producteurs se doivent d'être responsables en ne pratiquant pas des prix qui fragiliseraient leur structure.
La fusion d'Agrial et Eurial est-elle un nouveau pas vers la restructuration de la filière laitière française ?
P. L. : La filière française a un retard de compétitivité par rapport aux pays nord-européens. Elle ne peut se développer que sur les marchés mondiaux sur lesquels il faut être capable d'affronter les grands groupes laitiers. Agrial a la volonté de faire bouger les lignes. La fusion avec Eurial va dans ce sens. Les activités laitières industrielles et commerciales de nos deux groupes viennent de fusionner dans la branche lait d'Agrial. Elle prend le nom d'Eurial. En 2016, les cinq coopératives d'Eurial rejoindront Agrial si les assemblées de juin valident leur fusion, pour 2,6 milliards de litres de la Basse-Normandie au Poitou. D'ici là, il nous reste à harmoniser nos politiques laitières (prix du lait, transfert des droits de commercialisation, etc.). Nous poursuivons également notre réflexion sur l'investissement dans un outil de fromages ingrédients en Vendée, où Eurial produit déjà près de 40 000 t de mozzarella, ou ailleurs. L'objectif est qu'il soit opérationnel en 2018 pour proposer des volumes de développement. D'autres projets sont à l'étude.
Votre filiale Senagral a arrêté de transformer début 2015 le lait de la ferme des 1 000 vaches. Comment concilier restructuration et attente sociétale ?
P. L. : La société accepte mal une certaine restructuration des élevages. Si cela ne peut pas se faire, des outils industriels fermeront dans dix ans. Il faut faire accepter que des fermes qui se regroupent, pour 200 à 400 vaches, restent dans le modèle familial.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE HUE
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